Le choix du taux sans risque
22 septembre 2013 Un commentaire
Établir une référence qui définit la rémunération d’un investissement sans risque est un exercice difficile. Cet article soulève quelques points importants et propose une solution acceptable sans être parfaite.
Sur les marchés
En pratique, et c’est loin d’être un gage de bonne réponse, le taux sans risque est défini comme le taux zéro-coupon des titres nationaux ou supranationaux les plus sûrs. Dans certaines situations, les intervenants utilisent la courbe des taux Euribor (ou Libor) lorsqu’il s’agit d’analyser les titres à court-terme ou à taux variables. Dans d’autres cas, c’est la courbe des taux swaps standards qui est retenu, pour les dérivés de crédit par exemple.
Ces deux derniers choix sont perturbants : ils introduisent clairement un risque bancaire, loin d’être négligeable. Quant aux titres d’États, la sécurité de certains a été fortement chahutée depuis 2007.
La liquidité
Toutefois, ces approches mettent en évidence la nécessité d’ajouter une autre composante au terme sans risque, c’est la notion de temps : maturité de zéro-coupon, courbe de taux. Le taux d’intérêt étant la compensation économique d’un abandon de la part du prêteur de la disponibilité de sa monnaie, la question de la durée pendant laquelle il accepte cette indisponibilité devient central dans la définition du taux sans risque.
Par exemple, pour un investisseur particulier, sa banque peut-être considéré sans risque à 15 jours, mais sur 10 ans, ceci n’est pas certain.
Point de vue
L’exemple précédent soulève la remarque suivante : le taux sans risque ne dépend pas seulement de l’emprunteur (l’État, une banque centrale) mais également du prêteur.
Reprenons notre investisseur particulier. Pour un patrimoine inférieur à 22950€, le taux sans risque (garanti par l’État français) peut être celui de la rémunération du livret A, à condition de placer (prêter) sa monnaie pour une durée multiple d’un demi-mois. Bien évidemment, pour une entreprise, il s’agit d’une autre référence, par exemple le taux d’intérêt qui rémunère sa trésorerie (en banque…). Enfin, il est possible que l’investisseur n’est pas accès à un taux réellement sans risque.
Fiscalité et autre frais
Ceci nous amène à considérer la fiscalité attachée à la production d’un intérêt, a fortiori s’il est supposé acquis sans risque. Car l’intérêt effectivement touché a supporté un prélèvement qui dépend du statut fiscal de celui qui le perçoit. De plus, certains frais liés à la transaction peuvent s’ajouter.
Comment s’en sortir ?
A ce stade, nous voyons que le taux sans risque devrait prendre en compte les contraintes qui s’imposent à chaque type d’investisseur. Difficile alors d’en donner une définition applicable à chacun.
Imaginons un portefeuille de titres. Il est possible que plusieurs horizons d’investissement s’y superposent. Est-ce qu’il faut alors considérer plusieurs taux sans risque, pour un seul et même investisseur ? Lorsqu’il s’agit de faire des calculs de manière industrielle, ceci n’est pas possible.
Je suggère de retenir les paramètres suivants :
1. Le premier est l’horizon d’investissement le plus court au sein du portefeuille de titres considéré. Cet horizon indique l’exigence de liquidité optimale que vous souhaitez sur le portefeuille. Il pourra s’agir de la journée, de la semaine,…
2. L’horizon en tête, soit vous avez besoin de pouvoir investir dans un taux sans risque et alors vous identifiez le taux d’intérêt qui vous est accessible par l’intermédiaire en qui vous avez le plus confiance, soit vous n’avez pas besoin d’investir sans risque et vous utilisez une référence (monétaire, obligataire) présente sur le marché qui vous concerne : ici pour l’Euro, l’EONIA, l’EURIBOR, le taux de rémunération des deposit des chambres de compensation, le TAM, le T4M,… (les deux derniers devenant désuets)
3. Selon le besoin, ce taux sera ou non net de fiscalité.
Pour résumer
Un taux par zone monétaire.
L’horizon d’investissement le plus court que vous ayez.
Un taux qui vous est accessible réellement ou à défaut une référence monétaire sur cet horizon.
Avec en mémoire que : le sans risque n’existe pas ( d’ailleurs le prêteur lui même génère un risque qui lui est propre (sa survie, celle des intermédiaires qu’il a choisi,…), le taux « sans risque » est propre à chaque entité, et peut évoluer en fonction de l’évolution des objectifs de cette entité.
Un exemple
Au sein des reportings qu’une société de gestion de portefeuille produit régulièrement pour rendre compte de son travail (que les fonds soient ouverts ou dédiés), de nombreux calculs sont réalisés en utilisant un taux sans risque : le calcul du bêta d’un portefeuille (d’après le CAPM), le ratio de Sharpe et tout un tas d’indicateurs plus ou moins pertinents. Pour déterminer la référence, plusieurs critères interviennent :
– qu’elle soit dans la base de donnée, c’est donc une donnée de marché que l’on peut traiter de manière industrielle,
– qu’elle soit adaptée à la liquidité (ou la valorisation du fonds). Si on peut acheter vendre des parts tous les jours ou tous les mois ce n’est pas pareil et en y mettant du capital, l’investisseur accepte un placement sur cet horizon de temps minimum. Il comparera donc la rémunération « sans risque » qu’il pourrait obtenir sur ce même horizon,
– qu’elle soit adaptée à l’expression de l’objectif (EONIA + 300 points de base par exemple) si pertinent,
– qu’elle soit la plus avantageuse possible pour le reporting. Eh oui, entre deux références qui ont du sens, on prendra celle dont les résultats ressortent le mieux en général. Par exemple, plus le taux sans risque est faible plus le ratio de Sharpe sera important.
Ainsi, un fond à valorisation journalière aura pour référence l’EONIA. En revanche, pour un hedge fund dont la fenêtre est de 6 mois, l’EURIBOR sur cette durée pourra être plus approprié, même si ce n’est pas le choix retenu par le gérant.
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