Les obligations d’entreprise n’ont rien à faire dans une allocation stratégique

Ce billet veut permettre de prendre du recul avec cette classe d’actifs. Oublier certaines caractéristiques fondamentales peut en effet entraîner des prises de positions dont le danger est mal évalué alors même que le couple rendement / risque semble attractif.  Nous allons passer en revue les problèmes liés à l’asymétrie de rentabilité, l’opposition actionnaire vs obligataire, la liquidité, les options de rachat éventuelles.

Rappels et notations
Les obligations d’entreprise présentent donc un risque dit de crédit qui justifie une rémunération supérieure au taux sans risque noté r  (en supposant qu’il soit bien choisi, voir éventuellement l’article sur le choix d’un tel taux). Ce taux de rémunération est le taux actuariel, noté Rm qui s’écrit Rm = r + s, s étant le spread, donc l’écart de rémunération attendue.

Asymétrie
Le premier point important est que le taux actuariel au moment de l’achat (ou yield to maturity) est un taux maximum : il représente la rémunération maximale que l’on obtient si l’on conserve le titre acquis jusqu’à sa maturité. Maximum, car pour l’atteindre, il faudra une absence de dégradation de la perception de son crédit.
La rémunération réelle R, inconnue, est donc une variable aléatoire dont l’espérance est strictement inférieure à Rm :
R = Rm si survie jusqu’à maturité, R < Rm en cas de défaut. Chaque événement étant de probabilité non nulle, il est clair que E(R) < Rm.
Ainsi, l’investissement présente une forte asymétrie défavorable à l’acheteur avec un gain potentiel fortement majoré et une perte potentielle théorique maximale totale, 60% étant un taux souvent retenu dans la valorisation des produits dérivés de crédit.
De le même manière, que peut-on attendre d’une obligation d’entreprise notée AAA, au mieux son crédit stagne, au pire il se dégrade. Peut-elle s’améliorer ?

Options
N’oublions pas que certaines obligations peuvent être rappelées par l’émetteur, empêchant l’investisseur en obligations d’entreprise de profiter d’une éventuelle baisse des taux. Car justement, ce contexte est favorable aux émetteurs qui pourront réémettre à des niveaux de coupons plus faible.

Actionnaire ou obligataire ?
Un troisième point concerne les entreprises qui émettent à la fois de la dette et des actions ? Est-il possible de gagner sur les deux tableaux ? Les intérêts des obligataires (les détenteurs de la dette) et des actionnaires (les détenteurs d’actions) peuvent-ils converger ? A votre avis, parmi ces deux types d’investisseurs, lesquels seront plus favorisés par les décisions des dirigeants de l’entreprise ? Bien sûr, si cela va mal, les obligataires sont mieux traités que les actionnaires et cette sécurité expliquent une moindre rémunération des produits de crédit. Mais sur la durée, la stratégie d’entreprise est bien axée sur la création de valeur pour les actionnaires.

Liquidité, je t’aime moi non plus
Il y a deux types d’acheteurs d’obligations : ceux qui vont conserver le titre jusqu’à maturité et ceux qui tenteront de le vendre en cours de route. Les premiers sont peu concernés par le risque de marché et la vie de l’obligation, excepté si le risque de non remboursement (défaut) devient important (stratégie buy and hold). Le risque est essentiellement comptable en fonction de la réglementation de l’investisseur. Le second type d’acheteur lui, s’expose à l’ensemble des risque de marché (j’inclus le crédit) afin d’espérer revendre le titre dans de bonnes conditions.
Le premier type d’acheteur, les investisseurs institutionnels, est le plus important. En conséquence, la liquidité (ie la possibilité d’acheter et de revendre le titre obligataire à n’importe quel moment) sera fortement limitée. Cette mauvaise liquidité se paye et les investisseurs attendent un rendement supplémentaire pour la compenser. Le danger est que la liquidité soit finalement le principal (voire le seul) élément de rentabilité au delà du taux sans risque.

Diversifions alors ?
Puisque nous voyons un risque sur ces obligations, la première réaction est de diversifier : investir dans un panier d’obligations d’entreprises AAA et non plus sur un seul titre. Mais c’est quoi la diversification exactement ? Une histoire de « corrélation » ? ou plutôt une histoire de « compensation » ?
En effet, au sein d’un portefeuille diversifié, on s’attend à ce que si un titre chute, cette perte puisse être comblée par un ou plusieurs autres titres. Or pour un portefeuille obligataire, cette compensation est difficile, voire impossible car avec une telle asymétrie défavorable à la hausse, un unique défaut ne pourra jamais être rattrapé (au mieux, la perte aura été limitée grâce au portefeuille, mais l’investissement reste décevant). Au contraire, un portefeuille d’actions, lorsque l’un de ces composants dévisse, garde ce potentiel de récupération car ces produits n’ont pas d’augmentation de valeur majorée.

Conclusion
L’ensemble des risques des obligations d’entreprises n’apparait pas assez rémunéré pour investir de manière stratégique dans ces actifs, en particulier pour les fonds de pensions soucieux de la préservation du pouvoir d’achat.

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