Mandat de gestion sous contraintes Solvabilité 2 : le cas des obligations convertibles

Dorénavant, lorsqu’un assureur délègue sa gestion financière, il peut imposer à ses assets managers de nouvelles contraintes provenant de la directive Solvabilité 2. Celles-ci expriment la volonté (nécessité ?) de limiter la consommation de fonds propres (exprimée par les Solvency Capital Requirement ou SCR) qui se traduit par un pilotage approprié de l’exposition des facteurs de risques identifiés par la réglementation par la ou les sociétés de gestion qui doivent mettre en place des processus d’investissement adaptés.

Comme nous l’avons déjà illustré dans l’article Pilotage du (B)SCR : l’opportunité de la formule standard, nous pouvons identifier les contributions des composant d’un SCR lorsqu’on utilise la formule standard. Nous réexaminons rapidement ce point sur le SCR marché puis nous l’illustrerons avec le cas particulier des obligations convertibles.

 

Décomposition du SCR marché

Afin d’ illustrer la décomposition du SCR marché, nous supposons qu’une entreprise obtient pour chaque facteur de risque retenu par la directive les résultats du premier graphique ci-dessous, ramenés en pourcentage du SCR marché. Les données sont fictives mais les ordres de grandeur sont respectés :

SCR marché

L’effet de diversification, obtenu par la matrice de corrélation « up » car celle donnant le SCR le plus élevé, est mesuré comme l’écart entre le SCR marché (100) et la somme algébrique des SCR des sous-modules (138). La formule standard permet d’aller un peu plus loin et de répartir ce montant de diversification sur chacun des facteurs et d’obtenir ainsi la contribution réelle de chacun au SCR marché. Les résultats apparaissent dans le second graphique :

Decomposition SCR marché

 

De cette manière, on constate que les risques concentration et contracyclicité sont négligeables, ce qui n’était pas évident au départ. Le risque devise est aussi bien plus limité qu’on pouvait le croire.

Cette décomposition du SCR va pouvoir s’appliquer dès lors qu’une matrice de corrélation entre plusieurs facteurs de risque intervient. C’est pourquoi son utilisation devient extrêmement pertinente dans la gestion d’un panier d’obligations convertibles.

 

Formule standard et obligations convertibles

Les obligations convertibles ne font pas l’objet d’un traitement explicite dans la directive Solvabilité 2. Afin de les intégrer dans les actifs de placements, l’assureur doit donc utiliser un modèle interne (simplifié) consistant à d’abord à déterminer l’exposition de l’obligation convertible à chacun des facteurs de risque retenu par la directive puis à appliquer les chocs de la formule standard pour en déduire les SCR action, taux, devise, crédit (l’immobilier n’intervenant pas et le risque de concentration devant se calculer globalement) de la ligne concernée.

Pour illustrer, nous prenons un portefeuille équipondéré de 10 obligations convertibles en euros et pour chacune nous calculons sa consommation en capital qu’engendre sa détention. Dans ce cadre, seul le SCR taux d’intérêt à la hausse est retenu.

SCR OC

En appliquant la matrice de corrélation adéquate, on obtient un « SCR convertibles » de 20,5%. Ce niveau en absolu ne signifie pas grand-chose puisque le SCR action, crédit et taux seront additionnés aux autres SCR action, crédit ou taux des autres positions avant que l’on applique la matrice de corrélation. En revanche, une diminution de ce niveau indiquera une réduction de la consommation du capital.

Afin d’examiner ce portefeuille, nous pouvons, comme avant, décomposer ce SCR pour comprendre comment chaque ligne contribue à sa valeur. Le tableau suivant indique le SCR marginal (MSCR) et la contribution (CSCR) au SCR global 

 Contributions SCR OC

Nous voyons que les lignes CB4, CB5 and CB6 contribuent pour prêt de 50% au SCR convertibles. Ainsi, pour adapter le portefeuille au contexte de Solvabilité 2, le gestionnaire devra réduire l’impact de ces trois lignes. En réalité, l’ajout d’un petit programme d’optimisation va permettre d’obtenir un outil de pilotage assez fin du portefeuille en fonction de sa consommation en capital. Autre information intéressante, la comparaison des lignes CB1 (choc action prépondérant) et CB3 (choc crédit prépondérant) : notre approche permet d’apprécier qu’au sein du portefeuille, ces deux lignes contribuent de manière équivalente.

 

SCR et optimisation de portefeuille

La première idée serait de minimiser le SCR convertibles de ce portefeuille, mais ceci n’a pas beaucoup de pertinence. En effet, ce type d’optimisation fournit un portefeuille ultraconcentré. Ici par exemple on aurait 50% CB2 et CB10 pour un SCR convertibles de 11,3.

Il semble plus intéressant d’appliquer le fonctionnement suivant. L’assureur accorde un budget en SCR ou en SCR par facteur de risque que le gérant d’obligations convertibles est libre de répartir sur sa sélection de titres. En ce sens, avec la décomposition du SCR, on peut optimiser les pondérations du portefeuille selon des critères plus fin comme une contribution égale de toutes les lignes au SCR convertibles ou encore, une contribution à la performance égale à la contribution au SCR.

Poursuivant notre exemple ci-dessus, une optimisation afin que chaque ligne contribue identiquement au SCR convertibles donne le résultat du tableau suivant.

optimisation SCR

Une caractéristique intéressante de cette technique est la réduction du SCR total (17% contre 20,5%). On peut en réalité montrer que ceci est un résultat général : le SCR d’un portefeuille équipondéré est toujours supérieur à celui d’un portefeuille à contributions égales de SCR. Notons également que le portefeuille reste investi sur l’ensemble des titres sélectionnés au contraire du portefeuille de SCR minimum. Dans un cadre général, il est donc possible de contraindre le portefeuille de manière très précise pour satisfaire aux exigences du client assureur.

 

En conclusion

À aujourd’hui, la directive Solvabilité 2 ne se substitue pas totalement à la réglementation précédente (devenue Solvabilité 1). En effet, les exigences existantes sur le provisionnement ou sur les normes comptables permettant de dégager le résultat imposable par exemple continuent de s’appliquer. Les assets managers vont donc être soumis à des contraintes supplémentaires qui s’ajoutent aux contraintes existantes (gestion des plus ou moins values et de la réserve de capitalisation, prise en compte de la dépréciation durable des titres non amortissables,…). Notre illustration ici montre comment utiliser la formule standard afin de satisfaire à ces nouvelles exigences de gestion.

 

NB : cet article est fortement inspiré d’un papier que j’ai écrit en 2011 « Solvency II : The ultimate formula for Managing Solvency Capital Requirement »

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