Réduction du risque de défaut, de contrepartie et de crédit

Comme nous l’avons déjà évoqué, dès qu’un intervenant externe intervient dans la transaction, un risque de contrepartie génère un SCR dédié que les produits soient standards comme les obligations d’entreprises ou plus complexes comme les produits dérivés, structurés ou titrisés.

La diversification des émetteurs est un premier outil de réduction du risque de perte en cas de trop forte concentration. La directive Solvabilité 2 l’incite d’ailleurs : une trop forte concentration d’un même émetteur immobilise du capital. Toutefois, comme nous l’avons déjà mentionné, elle est inefficace en cas de mouvement défavorable global de marché. Un élément important est donc de répartir son portefeuille sur différents types d’entreprises. Cette diversification sectorielle peut apporter une protection lorsque les facteurs de risque affectant les émetteurs sont limités à un domaine industriel. Dans une autre mesure, la diversification géographique peut jouer un rôle protecteur au sein même de la zone Euro. Au-delà, cela impliquerait de couvrir l’exposition à une devise (quand elle apporte un risque réel plus important que le seul risque de l’émetteur).

 

Les produits dérivés de crédit offre un accès à la protection des risques extrêmes liés à une contrepartie (cf. [3] par exemple pour une présentation générale des dérivés de crédit). L’exposition au risque de défaut des obligations d’entreprises ou des prêts peut être réduite en achetant un Credit Default Swap (CDS) qui, en échange d’un paiement de primes à échéances régulières, offre une protection (sous forme d’un remboursement du partie du principal) jusqu’à l’échéance suivante. Mais attention, dès lors qu’un transfert de risque de défaut est engagé, le risque de la contrepartie (qui accepte ce risque) doit être évalué et pris en compte à travers un SCR dédié dans le cadre de Solvabilité 2.

Au choix, la protection porte sur un seul émetteur (mono support) ou sur un ensemble d’émetteurs (macro couverture). Dans ce dernier cas, le panier d’entités de référence n’est toujours pas la réplication des émetteurs effectivement en portefeuille mais celle d’un indice de marché. Un risque de base subsiste qui entraine un risque économique réel et une réduction seulement partielle du SCR spread.

 

En allant plus loin, il existe des CDS « first to default basket » qui ne protègent que du premier événement de crédit parmi le panier, des CDS subordonnés [respectivement séniors] qui compensent les pertes d’un portefeuille en cas de défaut jusqu’à [respectivement à partir] d’un certain montant ou encore des CDS à tranches pour des pertes d’un montant compris entre deux bornes (point d’attachement et point de détachement), et également des options sur CDS (ou CD Swaptions).

Mentionnons un autre produit, les options sur spread de credit (CSO pour Credit Spread Options) dont le sous-jacent est un produit soumis au risque de spread de crédit, soit directement, soit à travers une obligation. Un put permettra à son acheteur de vendre un titre obligataire à prix évalué avec un spread fixé à l’avance (c’est le spread d’exercice). Contrairement au CDS, les CSO ne sont pas déclenchées par un événement de crédit prédéfini, mais exercées selon les variations du spread de crédit. Le SCR crédit pourra être encadré à l’aide de ces options.

 

Notons que même si une chambre de compensation intervient pour sécuriser la transaction, le risque de contrepartie de cet organisme ne doit pas être oublié.

Réduction du risque de taux

Le SCR de taux Solvabilité 2 met en évidence les écarts de duration entre les investissements et les engagements (en particulier les taux garantis et les taux techniques des différents contrats) mais également les écarts sur chaque segment de la courbe de taux. Il est en effet courant pour des engagements de retraite que les actifs détenus par les assureurs aient une duration plus faible que leur passif (ou inversement en assurance dommage), cet écart focalisant toute l’attention. Ne pas tenir compte de mouvements de la courbe de taux plus complexes que la simple translation implique des risques de pertes liés à la convexité et des coûts en termes d’immobilisation de capital.

Une première solution, évidente, est de modifier son portefeuille obligataire en allongeant ou réduisant les maturités des titres détenus. Toutefois, des ventes peuvent entraîner des mouvements indésirables sur la réserve de capitalisation. Dans ce cas, l’utilisation de produits dérivés pourra être plus appropriée.

L’objectif est de modifier la duration de l’obligation en la combinant avec un swap de taux qui échange un taux fixe contre un taux flottant ou vice versa. En effet, on rappelle que la duration d’une obligation à taux flottant est très faible. Si l’on souhaite augmenter la duration, il faut recevoir le coupon à taux fixe et payer le taux variable (swap prêteur), à l’inverse pour diminuer la duration, c’est un swap emprunteur qu’il faut conclure. Ainsi, la combinaison d’un panier de swap et d’un modèle de gamme des taux (pour analyser les déplacements non parallèles de la courbe de taux) à son portefeuille obligataire permet une gestion fine du risque de taux.

Plus élaboré, il est possible d’utiliser ces swaps comme sous-jacent de produits optionnels. Selon le besoin on achète alors une swaption sur swap payeur ou receveur de taux fixe. D’autres produits optionnels, les caps bénéficient de (donc couvrent) la hausse de taux à condition que le mouvement de taux génèrent un profit supérieur à la prime et plafonnent (ou capent) le coût d’un emprunt à taux variable. Les floors bénéficient d’une baisse de taux et ainsi fixent un plancher minimum (le floor) de rémunération à un emprunt à taux variable. Leurs combinaisons, tel le collar, permettent d’affiner les positions en fonction des anticipations.

Ces produits dérivés engendrent un risque de défaut de la contrepartie sur les intérêts (non le principal) et donc un coût en capital associé. De plus, par exemple pour un swap, l’écart de notation entre les deux intervenants est rémunéré par un spread qui s’ajoute ou se soustrait selon. Leur utilisation ne peut donc se borner à une simple analyse de taux.

Réduction du risque de l’allocation d’actifs

En général, l’atténuation de risque à l’actif ne peut pas uniquement se décliner simplement module après module. En effet, par le jeu de la diversification (quel que soit le type de risque considéré), le risque global n’est pas la somme de risques individuels.

Toutefois, concernant Solvabilité 2 il est en pratique difficile de réduire le SCR marché avec, par exemple, une simple introduction d’une (petite) portion d’actions à côté d’un portefeuille d’obligations d’Etat. Le paramétrage est en effet peu favorable (à ce jour le choc action de type 1 est de 46.5%). C’est donc avant tout par des techniques de réduction de risque reconnues par la réglementation et appliquées catégorie par catégorie que le coût en capital pourra être réellement contrôlé et piloté.

En quoi consiste l’atténuation du risque

La couverture des risques financiers est une composante d’un processus global de gestion des risques assurantiels. La souplesse de réactivité d’une intervention sur les marchés financiers en fait un outil de pilotage à court ou moyen terme très efficace dont nous allons exposer les principales idées.

De manière générale, la gestion des risques consiste à sélectionner les risques auxquels s’exposer en raison du bénéfice à en retirer et réduire ou éliminer les risques les moins engageants. C’est une prise de positions réfléchies et maîtrisables par des techniques d’atténuation des risques de marché.

Le risque à considérer prend plusieurs formes. Le risque économique d’un actif ou d’une classe d’actifs est une exposition qui implique une perte potentielle mais réelle sur les avoirs de l’organisme d’assurance. Sous Solvabilité 2, le régulateur définit un coussin sensé amortir les pertes extrêmes telles que calibrées par le paramétrage de la directive. Cette enveloppe de risque, le capital de solvabilité requis (SCR), se traduit alors en pratique par une immobilisation de capital. La gestion financière d’un organisme d’assurance va donc principalement s’articuler autour de la performance attendue (nécessaire), du risque économique (en intégrant ceux « oubliés » par la directive), du SCR, du niveau du ratio de solvabilité (le rapport capital disponible / SCR) et la stabilité de ce ratio. Les objectifs de cette gestion consistent à maximiser le ratio et à en minimiser sa variation (maximiser sa stabilité). L’actif de l’assureur, dont la modulation est plus aisée que son passif, est le principal outil de pilotage à court ou moyen terme.

Notons, sans aller plus loin, que l’impact des normes comptables (type IFRS) doit également être pris en compte et optimisé dans la mise en place d’une solution globale des gestions des risques.

Le reporting Solvabilité 2 : quels impacts sur les assureurs ?

Un dossier du cabinet Herdia : http://www.herdia.fr/le-reporting-solvabilite-2-quels-impacts-sur-les-assureurs/

 

Pilier II, Pilier III et surveillance des groupes en Solvabilité 2

Pilier II, les exigences qualitatives

La gouvernance permet la réalisation et le respect du Pilier I et garantit une gestion saine et prudente des activités. Elle met en place une gestion des risques (fonction et système) efficace et permanente dont le périmètre est au moins celui du Pilier I.
Elle implémente également un dispositif de contrôle interne et d’audit interne et met en place une fonction actuarielle afin de garantir la compétence technique de l’entreprise.
Enfin, l’entreprise conserve l’entière responsabilité des ses obligations.

L’ORSA est l’évaluation interne des risques et de la solvabilité (Own Risk and Solvency Assessment). L’objectif est d’avoir du recul sur le Pilier I (identifier d’éventuels risques non pris en compte dans cette première phase par exemple) et plus généralement sur l’activité de l’entreprise.

Le principe de la personne prudente concerne les placements de l’entreprise. Leurs risque doivent être compris, acceptables et mesurables, leur diversification appropriée. Les placements sont réalisés dans l’intérêt des assurés et bénéficiaires de contrats et adaptés à la nature et à la durée des engagements.
Les dérivés seront utilisés pour la réduction des risques. Il n’y a aucune restriction sur les actifs en termes de limites, de catégories ou autres car ceci est géré par l’exigence de fonds propres donnée par le SCR.

Pilier III, les exigences d’information

Une harmonisation des états prudentiels est imposée afin de faciliter le contrôle et le suivi du superviseur. On trouve les Regulatory Supervisory Reports, les états quantitatifs et le rapport au public.
Contrôle des groupes

Pour les groupes, la surveillance et la supervision sont renforcés. Les 3 piliers sont appliqués en identifiant la tête de groupe, son superviseur puis en redistribuant les influences locales sur le groupe.

Principes de la formule standard (Solvabilité 2)

Le calcul du SCR est donné par SCR = BSCR + Adj + SCR op, où

– le BSCR est l’agrégation des SCR de modules (souscription vie/non vie/ santé, marché, contrepartie) à laquelle s’ajoute le SCR du module des actifs intangibles.
Chaque module est lui même l’agrégation de sous-modules.
Les agrégations de modules ou sous modules se font à l’aide des matrices de corrélation fixées par la directive (formule en racine carré)

– Adj est un ajustement calculé à partir du BSCR et du nBSCR (n pour « net »). Ce dernier est calculé en tenant compte de la capacité d’absorption  des pertes par les provisions techniques et les impôts différés, alors que le BSCR n’en tient pas compte. L’ajustement est alors calculé à partir des l’écart entre ces 2 termes et des prestations futures discrétionnaires (liées à la politique commerciale et à  la participation aux bénéfices qu’il faut donc projeter.

– SCR op est le module SCR du risque opérationnel

Au sein du module risque de marché, le SCR du sous-module actions bénéficie d’un ajustement. En effet, le mécanisme pro cyclique de la formule entraine que lorsque les fonds propres (rappel : en valeur de marché) diminuent (à cause de la baisse des actions), le SCR actions devrait au mieux rester stable sinon augmenter. Ainsi se cumule la baisse réalisée (prise en compte de manière anticipée dans le SCR) et l’exigence de fonds propres qui ne tiendrait pas compte de la baisse. Un ajustement, l’effet Dampener, est alors réaliser pour ne pas cumuler trop fortement la perte réelle et la perte fictive que représente le SCR qui tiendra alors compte de la consommation de perte effectuée par la baisse des actions.

Excepté en risque de marché et en risque opérationnel, il est possible de remplacer, en justifiant et documentant, les paramètres de la formule standard. Les calculs peuvent même être simplifiés lorsque les calculs de la formule standard apparaissent disproportionnés.

Le pilier I de Solvabilité 2 : les exigences quantitatives

Ce pilier est la transformation des exigences quantitatives dite Solvabilité 1 qui se présentait sous 3 axes :

Le bilan prudentiel est établit en valorisant les actifs à leur valeur d’échange dans des conditions normales et les passifs à leur montant de transfert (d’engagements auprès d’un autre assureur) dans des conditions normales, sans tenir compte de la qualité de crédit de l’entreprise. L’objectif est une valorisation en valeur de marché et un niveau de fonds propres suffisants.

Les provisions techniques sont la somme du Best Estimate (BE) et du Risk Margin, où
– Le BE est la moyenne pondérée par leur probabilité des flux futurs, actualisés sur une courbe de taux sans risque pertinente. Le calcul est brut (de réassurance,…) et tient compte de tous les contrats en portefeuille, des rachats, des prestations discrétionnaires futures, des impôts différés,…
– Le Risk Margin est le montant de fonds propres supplémentaires nécessaires pour couvrir les engagements repris en cas de transfert, c’est donc une valeur actuelle probable de SCR futurs.

Les placements sont valorisés en valeur de marché, et si les données sont insuffisantes, des modèles peuvent être utilisés.

La réassurance se valorise comme les provisions techniques et la titrisation en tenant compte a. de la différence temporelle entre le recouvrement et le paiement et b. de pertes probables pour défaut de la contrepartie.

Les fonds propres sont la somme des fonds propres de base et des fonds propres auxiliaires :
– les fonds propres de base sont constitués de l’excédent de l’actif par rapport au passif, des passifs subordonnés, des impôts différés en cas de perte déductible (ce qui implique de projeter les comptes sociaux pour déterminer les impôts futurs)
– les fonds propres auxiliaires correspondent au capital non appelé, lettres de crédit, garanties et tout ce qui est juridiquement contraignant (rappels de cotisation,…)

Les fonds propres sont classifiés selon leur disponibilité pour former les fonds propres éligibles (à la couverture des exigences quantitatives) :
– tiers 1 : Fonds propres de base disponibles (supérieur à 1/3 des fonds propres éligibles)
– tiers 2 : Fonds propres de base disponibles en cas de liquidation et Fonds propres auxiliaires disponibles ou disponibles en cas de liquidation
– tiers 3 : Autres fonds propres de base ou auxiliaires (inférieur à 1/3 des fonds propres éligibles)

Ainsi, tous les fonds propres ne sont pas éligibles pour couvrir les exigences quantitatives

Le SCR, Solvency Capital Requirement, ou capital de solvabilité requis est l’exigence quantitative qui doit être couverte par les fonds propres éligibles. Les calculs se font sous l’hypothèse de continuité d’activité et correspond à la VaR à 99.5% à 1 an des fonds propres de base. Il couvre les risques de souscription vie, non vie, santé, les risques de marché, de contrepartie et opérationnels. Le calcul doit être fait tous les ans (pour le moment), à partir de la formule standard ou d’un modèle interne.

Le MCR, Minimum Capital Requirement, ou minimum de capital requis est le seuil de fonds propres éligibles en deçà duquel le risque est inacceptable. Il est déterminé comme la somme d’un seuil absolu (selon les branches d’activité) et d’un montant fonction linéaire de variables du bilan. Il est obligatoirement compris entre 25% et 45% du SCR.

Le modèle interne est partiel ou intégral. Il doit aboutir au calcul de la VaR 99.5% à 1 an des fonds propres de base et doit être utilisé pour d’autres travaux que la calcul du SCR.

Solvabilité 2 : focus en un billet

C’est une réforme et une refonte de la réglementation des assurances en Union Européenne qui jusque là laissait aux Etats les mesures d’exécution, d’où une non harmonisation européenne.

Directive adoptée en 2009, elle reprend une partie des règles existantes (accès aux marchés de l’Espace Economique Européen, rôle des superviseurs nationaux) mais transforme radicalement les exigences prudentielles et va beaucoup plus loin dans l’uniformisation.
En effet, la réglementation part des principes cadres, dit de niveau 1 selon le processus Lamfalussy, passe par les mesures d’exécution (niveau 2), pour aller jusqu’au niveau 3, les modalités d’application qui seront uniformes pour tous les Etats membres (utilisation d’une même courbe d’actualisation par exemple) afin d’éviter les interprétations.
Depuis 2005, des études, QIS (Quantitative Impact Study) et LGTA (Long Term Guarantees Assessment), ont progressivement permis de tester l’impact de la réforme et de calibrer les exigences quantitatives.

Solvabilité 2 se superpose aux anciennes normes françaises. En effet, les comptes sociaux restent le socle pour établir la fiscalisation des résultats d’une entreprise d’assurance. Elle introduit une vision économique de l’entreprise et son approche privilégie les principes plutôt que les règles afin d’établir une cartographie des risques réels. En particulier, la directive doit s’appliquer de façon proportionnée, selon les risques présents, c’est le « principe de proportionnalité ». D’ailleurs, Solvabilité 2 ne sera pas applicable aux plus petits organismes (selon des critères de chiffre d’affaire et de provisions techniques notamment).

La directive se décline sous 3 piliers :
– Pilier I, les exigences quantitatives : Bilan prudentiel en valeur d’échange, couvertures des exigences MCR et SCR par les fonds propres éligibles, avec modèle interne ou formule standard
– Pilier II, les exigences qualitatives : Gouvernance (Risque, Contrôle Interne, fonction actuarielle), ORSA, principe de la personne prudente pour les placements)
– Pilier III, les exigences d’information : états prudentiels communs, information du public

Un traitement particulier est effectué pour les groupes.

Publié sur l’Agéfi : Solvabilité 2 et la gestion sous mandat des obligations convertibles

Agefi S2 convertibles    J’ai publié dans l’Agéfi (Communauté Solvabilité 2, cliquez sur l’image) cet article qui présente un outil pour la gestion dédiée des obligations convertibles lorsque l’investisseur institutionnel impose des contraintes liées à l’utilisation d’un budget de risque donné sous la forme d’un SCR global ou par facteurs de risque.